Agents commerciaux immobiliers : quelques rappels pour éviter les risques

De par la grande souplesse qu’il offre, le statut d’agent commercial indépendant est choisi par de nombreux travailleurs de l’immobilier.

L’article 134-1 du Code de commerce donne une définition précise de ce statut, présentant l’agent commercial comme « un mandataire, qui à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d’achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d’industriels, de commerçants ou d’autres agents commerciaux ». 

Au sein des professions immobilières, le statut d’agent commercial se distingue nettement de celui de salarié VRP, le travailleur n’étant pas lié à l’agence par un contrat de travail, mais par un contrat de mandat. 

Si le recours à des agents commerciaux présente indéniablement l’avantage de la flexibilité (1°/), il n’interdit pas d’imposer aux agents commerciaux un certain nombre de règles pour assurer le bon fonctionnement de l’agence, nonobstant leur statut de travailleur indépendant (2°/).

1°/ Le recrutement d’agent commerciaux indépendants : outil de flexibilité 

Le recrutement d’agents commerciaux indépendants limite les coûts fixes pour les agences immobilières : en effet, l’agent commercial est payé exclusivement sous forme de commissions, ce qui allège le risque pour l’entreprise en cas de ralentissement de l’activité ou dans l’hypothèse d’un collaborateur qui ne donnerait pas satisfaction.

Cela permet également, notamment en cas de croissance rapide, de pouvoir limiter l’impact de la masse salariale et de prendre pied sur des secteurs géographiques encore inexploités en limitant les risques financiers. 

Enfin, sur le plan social, le recours à des agents commerciaux présente certains avantages incontestables (liste non exhaustive) : absence de prise en compte dans les effectifs et donc limitation des effets de seuil (représentation du personnel, participation obligatoire …), absence de risques liés aux aléas de la vie (maladie, accident …) ou encore absence de problématiques de gestion du temps de travail ou des congés. 

Il constitue ainsi un outil de développement efficace qui permet de transférer le risque économique sur les agents commerciaux et donc, de motiver d’autant ceux-ci à la réussite du projet qui les concernera directement. 

Attention toutefois, cette flexibilité comporte certains inconvénients : impossibilité d’imposer des horaires de travail (permanences notamment) ou de contrôler le travail du collaborateur, turnover plus important et parfois, des profils inexpérimentés qui seront moins efficaces que des collaborateurs formés depuis des années. 

Le recours massif à des agents commerciaux inexpérimentés et livrés à eux même est ainsi contreproductif et génère de nombreuses problématiques de rentabilité, notamment lorsqu’un secteur géographique leur a été affecté de manière exclusive. 

Dans ce contexte et afin d’optimiser au maximum le statut d’agent commercial, certaines agences sont tentées de cadrer au maximum l’interventions de leurs agents commerciaux, au risque d’entrainer d’une confusion entre les statuts de salariés et d’agents commerciaux et, en cas de contrôle, d’une requalification de la relation de travail en salarié. 

Un arrêt récent dans lequel le Cabinet EVERGREEN LAWYERS est intervenu illustre bien la frontière, parfois étroite entre les deux statuts.

2°/ La possibilité pour les agences d’encadrer l’intervention des agents commerciaux

Bien que le statut d’agent commercial indépendantse distingue par une grande liberté dans l’exercice des fonctions, les agences ont toutefois la possibilité d’imposer à ces travailleurs un certain cadre sans forcément risquer une condamnation pour travail dissimulé ou requalification du contrat de travail. 

A titre d’exemple, le Cabinet EVERGREEN LAWYERS est récemment intervenu dans une affaire dont les faits étaient les suivants : à la suite d’un contrôle effectué au sein d’un réseau d’agences immobilières, l’URSSAF a considéré que les agents commerciaux qui travaillaient avec la société étaient de faux indépendants et devaient donc être requalifiés en salariés. L’URSSAF a alors établi un procès-verbal de travail dissimulé, en considérant qu’un lien de subordination permanent était en réalité établi entre la société et certains de ses agents commerciaux qui exerçaient sous le statut d’indépendant. 

Le procès-verbal dressé a été transmis au ministère public, lequel a déclenché des poursuites du chef du délit de dissimulation d’emploi salarié, donnant lieu à une condamnation de la société en date 28 juin 2019 par le tribunal correctionnel de Besançon.

La société a fait appel du jugement, faisant valoir que les agents commerciaux étaient réellement indépendants et que la fixation de procédures internes était nécessaire au regard de la règlementation applicable aux agents immobiliers. 

L’arrêt rendu par la Cour d’appel de Besançon le 29 juillet 2021 a finalement infirmé ce jugement et prononcé la relaxe de la société et de ses dirigeants, estimant que les éléments présentés ne suffisaient pas à rapporter la preuve d’un lien de subordination entre la société et les agents commerciaux. 

Pour la Cour d’appel, le respect de certaines règles dictées par le directeur d’agence à un agent commercial indépendant ne peut, à lui seul, faire présumer une perte d’indépendance dans l’exercice des fonctions, et induire l’existence d’un véritable lien de subordination. 

En particulier, la Cour souligne que l’activité d’agent commercial en immobilier s’inscrit dans un cadre précis, strictement règlementé par les dispositions de la loi Hoguet du 2 janvier 1970. Dès lors, il est impératif que l’Agence, elle-même contrainte de respecter ces règles, puisse les rappeler aux agents commerciaux qui travaillent pour son compte. 

L’agence peut donc imposer à l’agent de respecter les règles internes en matière de saisie des mandats (utilisation d’un logiciel interne pour respecter la numérotation, délai de saisie …), d’affichages obligatoires ou encore en matière de formation professionnelle. 

La Cour raisonne par analogie pour ce qui concerne la préservation de l’image de l’entreprise, et le respect de la ligne de l’Agence. Cette argumentation apparait également opportune dans la mesure où l’agent commercial indépendant est un mandataire qui négocie et conclut des contrats au nom et pour le compte de l’entreprise 

Ainsi, il peut être imposé à l’Agent commercial de respecter la charte graphique de l’agence, la politique tarifaire ou encore le processus interne en matière de visite (confirmations des rendez-vous, bons de visite, compte rendu …).

Par ailleurs, la Cour valide le recours à des clauses d’exclusivité dès lors qu’elles sont limitées à l’exercice d’une activité susceptible de concurrencer l’activité du mandant, ces dispositions résultant du Code de commerce et ne pouvant donc être considérée comme interdisant à l’agent commercial de développer sa propre activité. 

Enfin, la Cour valide notre position en considérant que demander aux agents commerciaux de déclarer en amont leurs périodes d’absence ne pose pas de difficulté dès lors qu’il ne s’agit pas d’une demande d’autorisation mais simplement d’une prévenance nécessaire à assurer le suivi des dossiers en cours. 

Pour valider le schéma mis en place par la société et annuler la requalification au titre du travail dissimulé, la Cour relève ainsi que ces procédures étaient strictement nécessaires au bon fonctionnement de l’agence et ne pouvaient être assimilés à des directives que l’employeur pouvait par ailleurs imposer à ses commerciaux salariés (réunions hebdomadaires, permanences, comptes rendus réguliers, congés validés …). 

Par voie de comparaison, les statuts de salariés et d’agents commerciaux, qui cohabitaient au sein de ce réseau, étaient clairement différenciés ce qui permettait d’éviter toute confusion et toute condamnation. 

Il est toutefois impératif d’être très vigilant dans le cadre du recours aux agents commerciaux et de définir, en amont, la politique d’entreprise en la matière pour éviter toute difficulté. 

Pour un rappel des règles applicables manière plus générale aux indépendants, vous pouvez consulter notre article en cliquant ici.

Une question ? N’hésitez pas à nous contacter ! 

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s